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Le parcours de Nazih

Entretien avec Nazih, participant réfugié

  • Pourrais-tu te présenter ?

Je m’appelle Nazih, je suis syrien et je suis en France depuis plus de 3 ans. J’ai eu un parcours un peu long et varié. J’ai suivi des études de commerce dans le secteur financier mais aussi de comptabilité. J’ai fait différents métiers, j’ai commencé en tant qu’assistant comptable puis trader. Par la suite j’ai travaillé dans une grande société de télécommunication en tant que conseiller clientèle puis comme analyste risque crédit/consommation.

  • Quelles sont les raisons de ton départ ?

La réalité c’est que je rêvais de vivre à Paris depuis mes 10 ans. J’ai essayé avant mais c’était trop compliqué d’avoir le visa. Malheureusement, ça s’est réalisé suite à la guerre. Après avoir vécu 5 ans en plein chaos, on a perdu espoir. Ma famille et moi, on se sentaient en danger. On a tout perdu, nos maisons, nos amis, les gens. Tous ceux que j’ai connus sont morts ou ont migré. L’argent on en a pas, on a tout perdu. Il ne nous reste juste la famille. Il fallait qu’on parte.

  • Comment s’est déroulée ton arrivée en France ? Comment l’as tu vécue ?

Je suis arrivé en France avec ma famille et ma belle famille. Alors je n'ai pas laissé beaucoup de choses en Syrie. On a pris une décision avant de partir : on viendrait pour toujours. A mon arrivée, c’était perturbant. Surtout le premier mois. J’ai vu la France c’était beau, les routes, les métros, les gens, la mode mais ça fait peur tout ça.
"On ne savait rien, si on allait avoir une maison ou rester à la rue, si on allait pouvoir manger et trouver un travail. Même apprendre le français, c’est très difficile. Donc j’avais un peu peur oui, je ne le cache pas". ​
La principale difficulté ? La langue, sans aucun doute. Moi je parlais maximum dix mots. J’ai le niveau C1 depuis l’été dernier. Il faut 300 heures de pratique pour valider chaque niveau. Moi je l’ai fait en 75 heures, c’est un miracle. Il y a tout l’aspect administratif aussi. J’ai appris pendant 30 ans en Syrie donc il faut que je m’habitue. Pour les papiers, il faut de la patience, il faut prier pour qu’ils se dépêchent parce que franchement s’il y a un mec qui m’avait dit ça, je l’aurai pas cru. Mais là de le voir en réalité, j’étais tellement choqué.

  • Penses tu que venir avec ta famille ça t’a aidé ?

Alors oui et non. Parce que, nous Syriens on est très dans une mentalité de famille. On se supporte, on se soutient s’il y a quelqu'un qui tombe il y en a toujours un qui est là. Depuis qu’on est là on a connu des moments difficiles. Malgré la guerre, il arrive parfois que Damas nous manque. Donc on est toujours là pour l’autre. Mais de l’autre côté pour être objectif, on parle toujours arabe en famille. Ça c’est un problème, c’est difficile de parler une langue étrangère avec ton père ou ta sœur.

  • A ton arrivée quel était ton projet professionnel ?

A l’arrivée c’était pas comme maintenant. J’ai aimé mes jobs, notamment en tant qu’analyste crédit même s’il y avait beaucoup de responsabilités. Du coup au début, à chaque fois que je passais à côté d’Orange, je me disais que je bosserai pour eux. Après quand on voit la réalité du marché du travail en France... Ici tout est automatisé donc ce métier en fait il n’existe pas. Pareil, j’ai passé 3 mois à chercher en tant que comptable sans savoir que ce n’était pas possible sans diplôme français.
"J’ai fait 2 types de CV au final pour des postes auxquels je ne peux pas prétendre. C’est pourquoi j’ai voulu intégrer le programme de Kodiko".

  • Comment le programme  et ton binôme ont-ils pu t’aider ?

Pour savoir comment ça se passe au niveau du marché du travail, surtout les lois. Personne ne peut maîtriser tout ça mais au moins se familiariser. C’est dans cette optique que j’ai intégré le programme. Ça m’a enrichi, ça m’a donné les armes pour entrer dans la bataille et trouver du travail. Car ce n’est pas facile même pour les français. Déjà pour savoir comment on fait un CV en France et pour m’aider à me présenter aussi. Mon binôme m’a expliqué quel regard on avait en France. C’est un manager, il recrute donc il sait de quoi il parle. Bon je savais me présenter mais mon problème c’était de trouver les bons mots. Parce qu’il y a des choses qui se disent en arabe mais pas en français. C’était avoir des petites clés. Et puis surtout, avec mon binôme, on a dégagé des axes de travail et à chaque RDV on travaillait sur l’un de ses axes. On a commencé par réfléchir au secteur d’activité sur lequel je voulais travailler. Au début, comme je te l’ai dit je voulais être analyste mais en même temps quand j’étais en Syrie, je me suis dit que si je changeais de secteur je travaillerai dans une banque. C’était justement l’occasion que l’on m’explique un peu mieux le secteur bancaire avec mon binôme qui travaillait à la Société Générale.
"Il m’a appris beaucoup de choses précieuses. Au final, il m'a fait arriver mais surtout il m'a fait arriver seul".

  • Quel type de relation entreteniez-vous ?

On était proche, c’est une personne qui ressent tes émotions, tes galères. Un jour je suis arrivé, j’étais tellement déprimé, c’était misérable vraiment, toutes les portes s’étaient fermées, je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Et normalement je suis une personne qui sait mettre le masque et qui sait se cacher mais lui quand je suis rentré, il m’a directement demandé "Qu’est ce qu’il se passe ? Si tu veux raconte moi". On a échangé un peu sur des problèmes perso, il a su me conseiller. Donc voilà, même si c’était principalement professionnel, notre relation allait au delà, c’était amical.

  • As-tu le sentiment de lui avoir apporté quelque chose ?

C’est ce qu’il m’a envoyé sur Linkedin quand il a vu que j’étais en formation. Il m’a félicité et il m’a dit ça que ça lui avait permis une ouverture d’esprit. Il était avec des Français, c’était peut-être la première fois qu'il partageait quelque chose avec un étranger. Je pense que ça a pu lui faire prendre conscience de notre situation, de notre point de vue et des difficultés que l’on peut rencontrer. J’ai entendu ça chez plusieurs amis et plusieurs accompagnateurs car j’ai fait plusieurs associations.

  • Quel est ton sentiment après avoir suivi le programme et quelle est ta situation actuelle ?

L’équipe était vraiment sympa, c’est comme une famille. On ne m’a jamais laissé tomber. On me demandait régulièrement si j’avais trouvé du travail, on me disait "ne t’inquiète pas, tu vas trouver, tu peux faire ci, tu peux faire ça".
"On m’a toujours encouragé, on m’a proposé des axes, des réseaux etc. Vraiment je me suis pas senti isolé, je sentais qu’on comprenait ma situation. Ils m’ont aidé à trouver un emploi et une formation".
J’ai quitté l’emploi pour la formation. Tu sais pour les étrangers il manque 2 choses, le diplôme et l’expérience. Du coup la formation ça me donnait les deux. Sur le long terme c’était la meilleure solution. Du coup, je suis en formation pour intégrer le secteur bancaire. Un DRH est intéressé par mon profil donc j’ai un poste presque garanti pour septembre. Au final, ça a été une expérience très positive, Kodiko m’a aidé à réaliser mon projet professionnel.

Pour en savoir plus sur l'accompagnement Kodiko, découvrez aussi le parcours de Mansour.

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Le programme jeunes de Kodiko

27/3/2023

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